Il est vaillant, le Roi de douce France,
Mais l’Émir ne le craint ni ne le redoute.
Ils croisent leurs épées nues
Et échangent de rudes coups sur leurs écus ;
Ils tranchent le cuir et le bois qui est double ;
Les clous en tombent, les boucles sont en pièces ;
Ils se frappent nu à nu sur leurs broignes.
Le feu jaillit de leurs heaumes clairs.
Ce combat-là ne saurait point finir
Avant que l’un des deux ne reconnaisse son tort.
L’Émir dit : « Charles, réfléchis bien
Et prends le conseil de te repentir à mon endroit.
Tu as tué mon fils, je le sais,
Et, à grand tort, tu réclames ma terre.
Deviens mon homme, je te la donne en fief ;
Viens me servir d’ici jusqu’en Orient. »
Charles répond : « Ce serait grande honte ;
Je ne dois à un païen ni paix ni amour.
Reçois la loi que mon Dieu nous propose :
Deviens chrétien, je t’aimerai sur l’heure.
Puis sers le Roi tout-puissant, et crois en lui. »
Baligant dit : « Tu commences là un mauvais sermon. »
L’Émir est d’une force extraordinaire ;
Il frappe Charlemagne sur le heaume d’acier bruni,
Il le lui brise et le lui fend sur la tête ;
Son épée passe entre les cheveux fins
Et enlève un morceau de chair grand comme la paume de la main.
À cet endroit le crâne reste à vif.
Charles chancelle, peu s’en faut qu’il ne tombe,