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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/139

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CCLXII

Il est vaillant, le Roi de douce France,
Mais l’Émir ne le craint ni ne le redoute.
Ils croisent leurs épées nues
Et échangent de rudes coups sur leurs écus ;
Ils tranchent le cuir et le bois qui est double ;
Les clous en tombent, les boucles sont en pièces ;
Ils se frappent nu à nu sur leurs broignes.
Le feu jaillit de leurs heaumes clairs.
Ce combat-là ne saurait point finir
Avant que l’un des deux ne reconnaisse son tort.


CCLXIII

L’Émir dit : « Charles, réfléchis bien
Et prends le conseil de te repentir à mon endroit.
Tu as tué mon fils, je le sais,
Et, à grand tort, tu réclames ma terre.
Deviens mon homme, je te la donne en fief ;
Viens me servir d’ici jusqu’en Orient. »
Charles répond : « Ce serait grande honte ;
Je ne dois à un païen ni paix ni amour.
Reçois la loi que mon Dieu nous propose :
Deviens chrétien, je t’aimerai sur l’heure.
Puis sers le Roi tout-puissant, et crois en lui. »
Baligant dit : « Tu commences là un mauvais sermon. »


CCLXIV

L’Émir est d’une force extraordinaire ;
Il frappe Charlemagne sur le heaume d’acier bruni,
Il le lui brise et le lui fend sur la tête ;
Son épée passe entre les cheveux fins
Et enlève un morceau de chair grand comme la paume de la main.
À cet endroit le crâne reste à vif.
Charles chancelle, peu s’en faut qu’il ne tombe,