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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/23

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XV

L’Empereur reste la tête baissée ;
Il tourmente sa barbe et tord sa moustache,
Sans répondre ni oui, ni non à son neveu.
Tous les Français se taisent, sauf Ganelon
Qui se dresse sur ses pieds, s’avance devant Charles,
Et, fièrement, commence son discours.
Il dit au Roi : « Vous auriez tort d’en croire les fous,
Les autres ou moi ; n’écoutez que votre avantage.
Quand le Roi Marsile vous mande
Qu’il veut devenir à mains jointes votre homme lige,
Tenir toute l’Espagne comme un don de votre main
Et recevoir notre foi.
Celui qui vous conseille de rejeter cet accommodement
Ne se soucie guère de quelle mort nous mourrons ;
C’est là conseil d’orgueil qui ne doit point prévaloir.
Laissons les fous et tenons-nous aux sages. »


XVI

Après lui s’avance Naimes.
Dans toute la cour, il n’est point de meilleur vassal.
Il dit au Roi : « Vous avez bien entendu
La réponse du comte Ganelon.
Sage conseil ! pourvu qu’il soit suivi !
Le Roi Marsile est vaincu dans la guerre ;
Vous lui avez enlevé tous ses châteaux ;
Avec vos machines vous avez brisé ses murailles,
Vous avez brûlé ses cités et défait ses soldats.
Quand il se remet à votre merci
Ce serait péché que d’exiger davantage,
D’autant que, par ses otages, il vous donne toute garantie.
Cette grande guerre ne saurait durer davantage. »
Les Français disent : « Le duc a bien parlé. »