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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/24

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XVII

« Seigneurs barons, qui pourrons-nous envoyer
À Saragosse, vers le Roi Marsile ?
— Avec votre permission, j’irai, répond le duc Naimes.
Donnez-moi sur-le-champ le gant et le bâton.
— Non, répond le Roi, vous êtes un homme sage ;
Par cette barbe et par ces moustaches,
Vous n’irez pas aussi loin de moi cette année.
Allez vous asseoir, car c’est mon ordre. »


XVIII

« Seigneurs barons, qui pourrons-nous envoyer
Au Sarrasin qui détient Saragosse ?
— J’y puis fort bien aller, répond Roland.
— Certes, vous n’en ferez rien, dit le comte Olivier,
Car votre cœur est trop ardent et trop farouche,
Et vous pourriez, j’en ai peur, vous attirer quelque méchante affaire.
Pour moi, j’irai volontiers, si c’est la volonté du Roi.
— Taisez-vous tous les deux, dit Charles,
Vous n’y mettrez les pieds ni l’un ni l’autre.
Par cette barbe dont vous voyez la blancheur,
On ne choisira aucun des douze Pairs. »
Les Français se taisent et se tiennent cois.


XIX

Turpin de Reims se lève de son rang.
« Beau sire Roi, laissez en paix vos Francs ;
Depuis sept ans que vous êtes dans ce pays,
Ils n’y ont eu que peines et douleurs.
Sire, donnez-moi le bâton et le gant :
J’irai trouver le Sarrasin d’Espagne
Et lui dire un peu ma façon de penser. »
L’Empereur, plein de colère, lui répond :