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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/46

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L’Empereur s’en retourne en France,
Il cache son visage sous son manteau.
À sa hauteur chevauche le duc Naimes ;
Il dit au Roi : « Quel tracas vous pèse ? »
Charles répond : « Qui le demande m’outrage.
Dans un tel deuil, puis-je ne pas me plaindre ?
Par Ganelon, France sera détruite.
Cette nuit, dans une vision envoyée par un ange,
Je l’ai vu qui brisait ma lance de ses mains,
Lui, qui plaça mon neveu à l’arrière-garde.
Il me l’a fait laisser en pays étranger.
Dieu ! si je le perds, je ne saurai le remplacer. »


LXX

Charles le Grand ne peut s’empêcher de pleurer ;
Cent mille Français en ont pour lui grand pitié
Et pour Roland, conçoivent une vive terreur.
C’est le traître Ganelon qui a fait la trahison ;
Du roi païen, il a reçu grands dons.
Or, et argent, et étoffes de soie.
Mulets, chevaux, et chameaux, et lions…
Marsile mande ses barons d’Espagne,
Comtes, vicomtes, et ducs, et aumaçours,
Et les émirs, et les fils de ses comtes.
Il en réunit quatre cent mille en trois jours.
En Saragosse fait sonner ses tambours,
Dresse Mahomet sur la plus haute tour.
Pas un païen qui ne le prie et ne l’adore.
Puis ils chevauchent dans un prodigieux effort
À travers toute cette terre, par monts et par vaux ;
Ils voient les gonfanons de ceux de France,
C’est l’arrière-garde des douze compagnons.
Ils ne manqueront point de leur livrer bataille.


LXXI

Le neveu de Marsile s’avance au premier rang
Sur un mulet qu’il touche d’un bâton.