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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/50

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LXXIX

Vint en courant Margaris de Séville
Qui tient tout le pays jusqu’à la mer.
Pour sa beauté, dames lui sont amies,
Et leurs visages, à sa vue, s’éclaircissent.
Bon gré, mal gré, toutes elles lui sourient.
Nul païen n’a tant de chevalerie.
Il vient dans la presse, et, plus fort que les autres,
Il dit au Roi : « N’ayez aucune crainte,
À Roncevaux, j’irai tuer Roland
Et Olivier n’emportera pas sa vie.
Les douze Pairs restent pour leur martyre ;
Voyez mon épée qui a une garde d’or,
C’est l’émir de Primes qui me la donna.
Je vous jure qu’elle sera plongée dans le sang vermeil.
Français mourront, France en sera honnie ;
Charles le vieux, à la barbe fleurie.
Ne connaîtra pas de jours sans deuil et sans colère.
D’ici un an nous aurons pris la France
Et nous pourrons coucher au bourg de Saint-Denis. »
Le Roi païen profondément s’incline.


LXXX

D’autre part est Chernuble de Noir-Val,
Ses cheveux traînent jusqu’à terre.
Il porte, lorsqu’il lui prend fantaisie de se jouer,
Une plus lourde charge que quatre mulets.
Dieu a maudit la terre où il vit :
Le soleil n’y luit pas, le blé n’y peut croître.
Il n’y tombe pas de pluie et la rosée n’y atteint pas le sol,
Il n’y a pierre qui ne soit toute noire,
Certains assurent que c’est la demeure des démons,
Chernuble dit : « Ma bonne épée est ceinte,
À Roncevaux, je la rendrai vermeille.
Si je trouve Roland le preux sur mon chemin,