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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/60

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XCVI

Il y a là un duc qui a nom Fausseron
(C’est le frère du roi Marsile),
Il tient la terre de Dathan et d’Abiron,
Il n’est pas sous le ciel de félon plus endurci.
Entre les yeux il a le front si large
Qu’on y pourrait mesurer un bon demi-pied.
La mort de son neveu lui fait peine ;
Il sort de la foule, il court hors du rang
Et pousse le cri de guerre des païens.
Envers les Français, il se montre injurieux :
« C’est aujourd’hui que douce France perdra son honneur. »
Olivier l’entend, il en conçoit une grande colère,
Il pique son cheval de ses éperons d’or,
Et frappe Fausseron d’un vrai coup de baron.
Il lui brise l’écu, et lui démaille son haubert.
Il lui met dans le corps les pans de son gonfanon,
Et, à pleine lance, l’abat mort des arçons.
Il regarde à terre et voit le misérable étendu ;
Il lui dit ces très fières paroles :
« Je n’ai souci, lâche, de vos menaces.
Frappez, Français, frappez, nous les vaincrons. »
Puis il crie : « Montjoie ! » c’est le cri de l’Empereur.


XCVII

Un roi est là ; il a nom Corsablis,
Il est barbaresque et d’un étrange pays ;
Il interpelle les autres Sarrasins :
« Nous pourrons bien soutenir cette bataille,
Car les Français sont en assez petit nombre.
Ceux qui sont devant nous, nous devons les mépriser,
Le nom de Charles n’en sauvera pas un seul.
Voici le jour qu’il leur faudra mourir. »
L’archevêque Turpin l’entendit.