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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/72

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CXXIII

Le comte Roland tient son épée sanglante ;
Il a bien entendu que les Français se lamentent,
Il a si grand deuil que son cœur pense se fendre.
Il dit au païen : « Que Dieu t’accable de maux !
Celui que tu as occis, tu le paieras chèrement. »
Il pique son cheval, qui se met à galoper.
Qui des deux paiera ? Les voici en présence.


CXXIV

Grandoigne fut homme de cœur, et brave,
Courageux, et sans crainte dans le combat.
Sur son chemin il a rencontré Roland.
Sans l’avoir jamais vu, il le reconnut sûrement
À son fier visage et à la beauté de son corps,
À son regard et à son maintien.
Il ne peut faire autrement qu’avoir peur ;
Il veut s’enfuir, mais inutilement.
Le comte le frappe avec tant de vigueur
Qu’il lui fend tout son heaume jusqu’au nasal,
Lui tranche le nez, et la bouche, et les dents,
Tout le corps, et le haubert à mailles,
Les deux auves d’argent de la selle,
Et, profondément, le dos du cheval.
Tous deux, il les tue sans remède.
Ceux d’Espagne poussent des cris de douleur.
Les Français disent : « Notre champion frappe bien. »


CXXV

La bataille est merveilleuse et hâtive ;
Les Français y frappent par vigueur et par colère,
Tranchent les poings, les côtes, les échines.
Et les vêtements jusqu’aux chairs vives.
Un sang clair ruisselle sur l’herbe verte.
Les païens disent : « Nous ne le souffrirons pas.