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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/78

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Le cor ne nous sauverait pas ;
Mais pourtant il est préférable
Que le Roi vienne : il pourra nous venger.
Ces gens d’Espagne ne doivent pas retourner joyeusement.
Les Français de Charles mettront pied à terre,
Ils nous trouveront morts et taillés en pièces,
Ils nous transporteront dans des cercueils, à dos de cheval,
Pleureront sur nous de deuil et de pitié ;
Nous entrerons aux parois des moutiers.
Les loups, les sangliers, ni les chiens ne nous mangeront. »
Roland répond : « Seigneur, vous parlez bien ! »


CXXXVI

Roland a mis l’olifant à sa bouche.
Il l’applique bien et sonne de toute sa force.
Les montagnes sont hautes et le son se prolonge.
On en entendit l’écho à trente grandes lieues.
Charles et tous ses compagnons l’entendent.
Le Roi dit : « Nos gens ont bataille. »
Mais le comte Ganelon lui répondit :
« Si un autre le disait ; cela semblerait un mensonge. »


CXXXVII

Le comte Roland, à grand’peine, à grand effort,
Et avec une grande douleur sonne son olifant.
Le sang clair jaillit de sa bouche.
Près de son front, sa tempe est rompue.
Mais le son de son cor porte si loin !
Charles l’entend, qui passe aux défilés ;
Naimes l’entend, les Français l’écoutent,
Et le Roi dit : « J’entends le cor de Roland ;
Il ne sonnerait pas, s’il n’y avait bataille. »
Ganelon répond : « Il n’y a pas de bataille.
Vous êtes vieux, tout fleuri, et tout blanc ;
En parlant de la sorte, vous avez l’air d’un enfant.
Vous connaissez le grand orgueil de Roland,