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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/88

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CLV

À peine Roland a-t-il repris ses sens,
À peine est-il revenu de pâmoison,
Qu’il connaît l’immensité du désastre.
Les Français sont morts ; il les a tous perdus,
Sauf l’archevêque et sauf Gauthier de l’Hum.
Celui-ci est descendu de la montagne
Où il a livré un rude combat aux gens d’Espagne.
Ses hommes ont péri, vaincus par les païens ;
Bon gré, mal gré, il a dû fuir dans la vallée,
Et voilà qu’il supplie Roland de le secourir :
« Noble comte ! seigneur, vaillant homme, où es-tu ?
Auprès de toi, jamais je n’avais peur.
C’est moi, Gauthier, qui conquis Maëlgut,
Moi, le neveu du vieux Drouon le chenu.
Mon courage avait fait de moi ton ami.
Ma lance est brisée et mon écu percé,
Et mon haubert démaillé et rompu ;
Mon corps est criblé de coups de lance ;
Je vais mourir, mais je me suis chèrement vendu ! »
À ces mots, Roland l’entend.
Pique des éperons et galope vers lui.


CLVI

Roland, plein de douleur et de colère.
Dans la grande mêlée recommence à frapper.
Il renverse morts vingt-cinq des gens d’Espagne ;
Gauthier six, et l’archevêque cinq.
Les païens disent : « Quels terribles hommes !
Gardez, seigneurs, qu’ils n’échappent vivants.
Félon, qui n’ira pas les attaquer !
Et maudit soit qui les voudra sauver ! »
Huées et cris recommencent de plus belle.
Et de tous côtés on attaque les Français.