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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/96

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Et déplore à haute voix sa mort, selon la coutume de son pays :
« Eh ! gentilhomme ! chevalier de bonne race,
Je te recommande au glorieux habitant du ciel,
Il n’y aura pas d’homme pour le servir de meilleur gré ;
Depuis les Apôtres, jamais il n’y eut tel prophète
Pour garder la loi chrétienne et y amener les hommes.
Qu’à partir de ce moment votre âme n’ait plus deuil ni peine,
Et que la porte du Paradis lui soit ouverte !


CLXXI

Roland aussi sent approcher la mort,
La cervelle lui sort par les oreilles ;
Il prie Dieu d’appeler auprès de lui ses pairs,
Et, pour lui-même, l’archange Gabriel.
Il prend son olifant, pour ne pas encourir de reproche,
Et tient Durandal, son épée, dans l’autre main.
Plus loin qu’une portée d’arbalète.
Il va dans un guéret, du côté de l’Espagne.
Sur un tertre, sous deux beaux arbres,
Il y a là quatre perrons de marbre.
Il tombe à l’envers sur l’herbe verte
Et s’évanouit, car sa mort est proche.


CLXXII

Hauts sont les monts, et très hauts sont les arbres.
Il y a quatre perrons, de marbre étincelant.
Le comte Roland se pâme sur l’herbe verte.
Cependant, un Sarrasin le regarde ;
Contrefaisant le mort, il gît parmi les autres ;
Il a souillé de sang son corps et son visage.
Il se dresse sur pieds et accourt en toute hâte.
Il est beau, vigoureux, de grand courage ;
Tout plein d’orgueil et de mortelle rage,
Il saisit Roland, corps et armes.
Puis il s’écrie : « Le neveu de Charles est vaincu !
J’emporterai cette épée en Arabie. »
Comme il la tirait, le comte reprit un peu connaissance.