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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/97

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CLXXIII

Roland sent qu’on lui ôte son épée,
Il ouvre les yeux, et ne dit qu’un seul mot :
« Tu n’es pas des nôtres, que je sache ! »
Il tient son olifant qu’il ne veut jamais lâcher
Et frappe sur le heaume couvert de pierres et d’or.
Il brise l’acier, la tête et les os,
Fait jaillir les deux yeux de l’orbite,
Et retourne le païen mort à ses pieds.
Ensuite, il dit : « Lâche, quelle impudence
De me saisir, à droit ou à tort !
Qui l’entendra dire te tiendra pour fou.
Le gros bout de mon olifant est fendu,
L’or et les pierres en sont tombés. »


CLXXIV

Roland sent que sa vue baisse ;
Il se met sur pieds, et s’évertue tant qu’il peut,
Mais son visage a perdu toute couleur.
Il y a devant lui une pierre brune ;
Avec douleur et colère, il y frappe dix coups ;
L’acier grince sans se rompre ni s’ébrécher,
Et le comte dit : « Sainte Marie, à mon aide !
Ô ma bonne Durandal ! quel malheur pour vous !
Nous allons nous séparer, je n’aurai plus jamais soin de vous
Combien j’ai gagné avec vous de batailles rangées,
Combien de pays immenses j’ai conquis
Que possède aujourd’hui Charles à la barbe chenue.
Que jamais homme qui fuie devant un autre ne vous ait en son pouvoir ;
Vous avez été longtemps aux mains d’un vaillant chevalier,
Tel qu’il n’y en aura jamais dans la libre France ! »