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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/98

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CLXXV

Roland frappe sur le perron de sardoine,
L’acier grince, sans se rompre, ni s’ébrécher.
Quand il voit qu’il ne peut la rompre,
Au dedans de lui, il déplore le sort de son épée :
« Oh ! Durandal ! comme tu es claire et blanche,
Comme tu luis et flamboies au soleil !
Charles était aux vallons de Maurienne,
Quand Dieu lui manda du ciel par son ange
Qu’il te donnât à un vaillant capitaine.
Le noble, le grand Roi la ceignit donc à mon côté ;
Avec elle, je lui conquis l’Anjou et la Bretagne,
Je lui conquis le Poitou et le Maine,
Je lui conquis la libre Normandie,
Je lui conquis la Provence et l’Aquitaine,
La Lombardie et toute la Romagne,
Je lui conquis la Bavière et les Flandres,
La Bulgarie et toute la Pologne,
Constantinople, dont il reçut l’hommage,
Et la Saxe, où tout va selon ses désirs,
Je lui conquis Écosse, Galles, Irlande
Et l’Angleterre, dont il a fait son domaine privé.
En ai-je conquis des pays et des contrées
Que Charles, à la barbe blanche, possède !
Je souffre, pour cette épée, une pesante douleur.
Plutôt mourir que la laisser aux païens.
Seigneur Dieu le père, ne laissez pas déshonorer la France ! »


CLXXVI

Roland frappe sur une pierre grise,
Il en abat plus que je n’en puis dire,
L’acier grince, sans se rompre ni s’ébrécher,
L’épée rebondit en haut vers le ciel.
Quand le comte voit qu’il ne saurait la briser,
Il déplore doucement son sort, au fond de lui :