Page:La chanson de Sainte Foi d’Agen.djvu/80

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XVII. — « Ce que nous, votre peuple, nous disons, que colère ni oubli ne vous l’ôte de l’esprit [160]. Cette demoiselle nous a avilis en nous détournant de la loi. Son lignage nous a toujours nourris ; et elle nous a malencontreusement abandonnés. Qu’elle n’ait pas en vous d’appui [165], si elle ne renie ignominieusement le dieu en qui elle croit. Vraiment, elle nous a pris pour des fous ; son hostilité nous trouble mal à propos ; et vous, vous êtes mort et entièrement honni, si vous ne lui en faites pas saigner la nuque [170], comme vous le fîtes faire à saint Félix ».


XVIII. — Il l’envoya chercher au plus vite, et prescrivit de ne lui faire aucune menace : « Amenez-la moi doucement par le bras, et dites-lui que c’est moi qui commande ici [175] : je lui promettrai si grand trésor que j’effacerai toutes ses mauvaises dispositions ; de cela je suis très sage artisan » .


XIX. — À qui mieux mieux courent ses fidèles. Là où elle est ils sont venus [180] ; ils ne lui disent même pas un bon salut, mais ils la menacent sans répit. Et elle se tient, pour que son cœur ne change pas, car elle l’a preux et avisé ; et elle prie Dieu, au nom de sa puissance [185], qu’il l’aide dans cette détresse, car en lui elle a mis tout son être.


XX. — Elle éleva la voix et se recommanda à la sainte Croix. De tous ces fous elle ne se soucie pas plus que d’une noix [190], ni de leur marché ni de leur négoce, car en Enfer, dans le plus grand puits, mal leur viendra à cause de leur oisiveté [coupable], car là il y a une source très amère.


XXI. — Alors elle se signa avec les trois doigts [195], et pria Dieu qui a fait ce monde : « Dieu, qui me gardâtes de tout péché, si vous me secourez maintenant, vous le ferez à bon droit, car tu as dit aux tiens : « Quand vous aurez détresse, si vous me le dites, aussitôt vous me verrez [200] ». Seigneur, je vous prie de m’aider ; je veux ardemment que vous me guidiez, car je crois, Seigneur, que vous emmènerez l’âme ».


XXII. — Les serviteurs de Dacien la prennent et la lui amènent au milieu de la place [205]. Il appela un publicain qui fut vêtu de bouracan : « Va, prends-la doucement par la main droite, et mène-la jusqu’au temple. Qu’elle offre de l’encens au Dieu