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Page:La coutume d'Andorre.djvu/232

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Il était intéressant de déterminer les causes de cette préférence et de savoir si elle ne provenait pas de ce que la loi romaine est mieux connue des juristes que la loi catalane. C’est, en effet, l’une des explications plausibles : l’enseignement du droit romain est, à l’Université de Barcelone, plus approfondi que l’enseignement du droit catalan. Toutefois, le fait dont il s’agit est trop ancien[1] et trop constant pour dériver de l’organisation d’une Faculté ; j’y vois un cas nouveau de cette extraordinaire erreur qui, à travers le moyen âge et l’époque moderne, assura à la loi romaine un triomphe factice[2]. Les légistes des pays de droit écrit, fascinés par la gloire du droit romain, croyaient y être soumis. Or, ils se trompaient : l’écart est tel entre les mœurs de nos anciennes provinces méridionales et les mœurs de l’Empire que les lois de celui-ci ne pouvaient pas s’adapter aux rapports des populations de celles-là, pas plus qu’elles ne s’adaptent aujourd’hui aux relations sociales des Andorrans. Prenons, par exemple, le Languedoc et la Catalogne : l’un et l’autre pays pensaient suivre le droit romain, et ils suivaient, en effet, un droit romain profondément altéré. Il n’en est pas moins vrai que le droit de Toulouse était beaucoup plus rapproché du droit catalan que du pur droit romain. À plus forte raison, cela est-il vrai de la coutume andorrane.

En d’autres termes, si l’on admet que la coutume andorrane est romaine, le droit catalan l’est également. Législation andorrane, législation catalane sont deux sœurs,

    romano, com es de ver en el Politar. » — 14 septembre 1845. Lettre signée Agustin Vidal, contenant des instructions de l’Évêque relativement à un conflit entre le Juge des appellations et les autorités locales : « Si se attiende al drecho romano, que es el que vige en Andorra, como si se attiende al drecho canónico, es inegable que, una vez pronunciada por el juez la sentencia interlocutoria, que tiene fuersa definitiva, declarando por abandonada o negada la appellacion, se debe estar a ella y está prohibido al otro juez el conocimiento de la causa principal. » (Archives de l’Ariège, Andorre, liasse 2).

  1. Voici ce que l’auteur du Manual Digest écrivait au Conseil d’État d’Espagne, au sujet des Corts : « Se administra la justicia segun los costumbres patrios y, en falta de estos, segun la disposicion del drecho comun ». — Voir ci-après, p. 50, n. 3, des attestations de 1753.
  2. Voir l’introduction à mon Étude sur la condition des populations rurales du Roussillon, pp. xxvi et suiv.