Page:La fondation de l'Etat indépendant du Congo au point de vue juridique, par Gustave Moynier.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 37 —

mander à chacun d’en user, — celle de recourir, en cas de conflit, au procédé de l’arbitrage, — on reconnaîtra que, grâce à ces dispositions préventives, les chances de voir des hostilités éclater au Congo, entre civilisés, sont aussi faibles que possible.

Que n’en peut-on dire autant de tous les autres points du globe !

Je regrette de ne pouvoir citer, au nombre des obligations contractées par l’État du Congo, celle de s’opposer à l’importation abusive des spiritueux en Afrique, car on sait à quel point ce commerce, qui se fait sur une vaste échelle, dégrade les nègres. La conférence de Berlin, mise en demeure de l’entraver, s’y est refusée, et a commis en cela une inconséquence aussi patente que blâmable. Après avoir fait profession de vouloir le bien des indigènes, elle a trouvé bon que l’on continuât à les empoisonner, et cela, notoirement, par le motif peu avouable que l’abolition de ce trafic aurait été préjudiciable à de grands spéculateurs européens. Bien plus, elle a aggravé l’état de choses antérieur, en prescrivant la liberté commerciale la plus complète dans le bassin du Congo, car, maintenant, les puissances qui y exercent la souveraineté n’ont plus leur libre arbitre pour arrêter à la frontière les spiritueux d’origine européenne. Celles qui voudront faire preuve d’humanité en préservant leurs sujets de l’invasion de l’alcool, devront entamer des négociations, sur ce point spécial, avec les autres États signataires de l’Acte de Berlin. On leur a fait espérer qu’elles obtiendraient facilement gain de cause, mais cela n’est rien moins que certain. Il appartient à l’État du Congo, placé à l’avant-garde de la civilisation africaine, d’en faire l’essai.