Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sions les victuailles les plus disparates. C’était tout à fait pastoral.

Le quartier général de cette orgie de bon goût était le cabaret de M. Monmarançon-Balégné. On y étouffait dans une atmosphère où se mariaient civilement les senteurs bocagères des brûle-gueules, du trois-six, de la graisse brûlée ainsi que d’autres émanations charmeresses de nerfs olfactifs. La cour de l’auberge était remplie de gens qui n’avaient pu trouver place à l’intérieur. Installés devant des tables improvisées, goulûment ils bâfraient. Dans la chaudière-estomac les viandes et les vins sont de bons combustibles. Aussi ne souffraient-ils pas du froid qui cependant était vif.

Dans un coin de la cour, un lourd char-à-bancs. À l’une des roues était lié par les jarrets, les mains et le cou un homme presque inanimé et bleu. À l’autre roue, un autre homme presque inanimé et bleu était attaché de la même manière. Depuis plus de trois heures, ils attendaient le jugement. On s’était d’abord ameuté autour d’eux. Ils avaient été insultés. Puis on les avait oubliés. D’ailleurs, maître Monmarançon-Balégné n’avait pas le temps de s’occuper d’eux. Ils restaient là, immobiles.

V

Quand il fut patent que la plupart de ses hôtes étaient désormais dans l’impossibilité d’ingurgiter quoi que ce fût, M. Monmarançon-Balégné respira.

— Ouf ! fit-il.