VI
Flageolant sur leurs jambes, ivres de faim, ils furent conduits au-delà des dernières maisons.
La nuit et la neige tombaient. Un vent de l’est commençait à souffler en bourrasque. Les deux hommes avaient devant eux les bois, les monts, le froid, l’ombre…
Ils s’éloignèrent, traînant dans la neige leurs lamentables semelles…
SUR LE LIVRE DES AMOURS
de Pierre de Ronsard
Jadis, plus d’un amant, aux jardins de Bourgueil,
A gravé plus d’un nom dans l’écorce qu’il ouvre,
Et plus d’un cœur, sous l’or des hauts plafonds du Louvre,
À l’éclair d’un sourire a tressailli d’orgueil.
Qu’importe ? Rien n’a dit leur ivresse ou leur deuil ;
Ils gisent tout entiers entre quatre ais de rouvre,
Et nul n’a disputé, sous l’herbe qui les couvre,
Leur inerte poussière à l’oubli du cercueil.
Tout meurt. Marie, Hélène et toi, fière Cassandre,
Vos beaux corps ne seraient qu’une insensible cendre,
Les roses et les lis n’ont pas de lendemain ;
Si Ronsard, sur la Seine ou sur la blonde Loire,
N’eût tressé pour vos fronts, d’une immortelle main,
Aux myrtes de l’Amour le laurier de la Gloire.