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Mais lui, bien loin de rendre l’âme,
Semblait renaître dans la flamme.

Or, la femme aux cruels ébats
Qui sur mon cœur piétine et jongle,
Comme la goule des sabbats,
L’égratigna du bout de l’ongle.

Et sous le virus qui le mord,
Ce cœur indomptable est bien mort…

Zénon-Fière.

SEVERO TORELLI

Un triomphe. Cette soirée du 21 novembre a sacré maître de la scène le prince de nos jeunes poètes. Désormais l’auteur du Passant, du Luthier de Crémone, de Madame de Maintenon, s’appellera, plus glorieusement encore, l’auteur de Severo Torelli.

Pise, depuis de longues années, subit la domination florentine, oppressive, insolente, cruelle. Le détesté gouverneur, Barnabo Spinola, s’impose par ses sbires et son bourreau. Il a étouffé dans le sang mainte conspiration. Jadis, Gian Torelli, gracié sur l’échafaud même par le tyran, a voulu lui faire grâce à son tour. Il a juré de ne plus personnellement conspirer contre lui, mais il l’a menacé du fils qu’il espérait avoir.

Ce fils est né. Il a vingt ans aujourd’hui. Severo Torelli est le plus pur, le plus ardent, le plus populaire des patriotes pisans. Pise l’idolâtre, Pise compte sur lui pour la venger et la délivrer. Et le moment paraît venu de secouer le joug. Charles de France accourt. Il a franchi les Alpes, il fond sur Florence. C’est un allié. Severo et trois de ses amis complotent le meurtre de Spinola. Ils jurent de le frapper n’importe où, n’importe comment. Et c’est Severo qui frappera ; les autres après lui, tour à tour, s’il manque son coup. Un moine passe, portant le viatique à un mourant. Sur l’hostie, les conjurés renouvellent leur serment, devenu irrévocable et formidable, maintenant que Dieu même l’a reçu.

Severo se rend chez son père, prématurément vieilli par la douleur, et qui reste enfermé dans son palais comme dans un sépulcre. Il lui