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REVUE MUSICALE

Ite missa est, le sort en est jeté, c’est décidément M. de Lagrené et son Château-d’Eau qui héritent des trois cent mille francs votés par le conseil municipal pour un Opéra populaire. J’aurais préféré voir subsister l’Opéra du Château-d’Eau concurremment à la création d’un autre Opéra populaire subventionné, mais, après tout, une solution imparfaite vaut mieux que point de solution du tout, el le choix de M. de Lagrené, qui a fait ses preuves comme activité, comme bonne volonté, n’est point mauvais. Nous l’attendrons aux actes et surtout aux engagements. Je ne parle que pour mémoire de la reprise du Brasseur de Preston, d’Adam, la représentation en ayant été antérieure au vote de la subvention ; cette reprise est médiocre. Mademoiselle Irma Marié ne sait pas le chant, et M. Thierry (de l’Opéra-Comique) le sait depuis trop longtemps.

Passons, et passons à l’événement musical du mois, l’ouverture du nouveau Théâtre Italien. Je désire sincèrement me tromper, je ne crois point à la longue durée de cette entreprise théâtrale, et voici pourquoi : la partie la plus riche du public parisien, résidant ou de passage, peut seule contribuer à alimenter, à soutenir une exploitation du genre italien. Le gros public en est revenu du genre italien ; il y a renoncé ; il ne sait plus ce que c’est et ne donnera pas, une fois la première curiosité satisfaite ; or le gros public seul peut remplir un théâtre et le faire vivre. Le concours du monde est acquis pour deux années, la direction n’ayant accepté que des abonnements de deux ans. À la bonne heure. C’est du dernier pschutt en ce moment de se retrouver au nouvel Italien, mais il ne serait pas le moins du monde pschutt d’écouter. Aux premiers rangs de loges on cause tout haut ; on rit très haut, et il est impossible que tous ces gens-là s’aperçoivent que Simon Boccanegra est ennuyeux au point où il l’est. Je n’ai ni le temps ni la volonté de vous parler de la pièce qui se passe à Gènes, du temps de la conspiration de Fiesque. Il y entre des poignards, du poison, un doge, une conspiration, une séduction, une substitution d’enfant, etc. La musique est du Verdi première manière, avec une tendance à faire au drame une place plus large et plus appropriée. Cette tendance ne se manifeste d’ailleurs que par l’abondance des récitatifs. La traduction française est à peine suffisante.

L’interprétation est très belle, il n’y a pas à ménager l’expression. Maurel semble là supérieur à ce qu’il était à l’Opéra, ou du moins il y est mieux entendu, l’acoustique de la salle étant préférable. J’ai retrouvé avec un plaisir infini la voix de madame Fidès-Dévriès. Elle