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n’a rien perdu, au contraire. Si j’osais, je la prierais de se ménager un peu plus dans les grands effets. Si tant est que ce conseil soit un reproche, il est des plus rares qu’on ait à adresser. Madame de Reszké et Nouvelli sont excellents. On parle de monter du Wagner à l’Italien et c’est peut-être là la meilleure chance de vie pour ce théâtre. Mais quelles salles bizarres cela donnerait et quels singuliers spectateurs pour l’œuvre wagnérienne dont l’audition exige du silence et même une sorte de religiosité !

Nous n’avons qu’à traverser la place pour entrer au Concert du Châtelet ; c’est bien commode. M. Colonne a eu l’excellente idée de nous redonner Struensée, de Meyerbeer, la musique de scène d’un drame oublié de Michel Beer. Toutes les fois que j’entends du Meyerbeer joué d’une façon comprise et sentie, ce qui est le cas au Châtelet, j’admire davantage. Quel maître du dramatique ! Quelle intelligence supérieure de l’effet scénique ! D’aucuns ont approché de cet art spécial de l’appropriation théâtrale, nul ne l’a pénétré aussi avant. Je mets, comme on le doit, Wagner à part. Sans doute des tours ont vieilli, des finales surtout se sont banalisés, mais tout cela est affaire de mode et d’époque, et qu’importe à la vraie musique ? L’ouverture de Struensée est une merveille de clarté, de simplicité, de grandeur. Le Rêve, la dernière scène sont des mélodrames symphoniques qu’on peut égaler, non dépasser. M. Colonne donne en même temps des fragments d’Henri VIII, la Marche du Synode, le Prélude du deuxième acte et le ballet. L’unisson qui sert d’introduction au ballet est enlevé par les violons d’une manière invraisemblable comme ensemble. Ces différents morceaux m’ont mieux impressionné qu’à l’Opéra ; le public en bisse plusieurs. La matinée se termine par le classique Désert, de Félicien David, avec M. Bosquin, qui se tire du chant du muezzin mieux que je ne le lui ai jamais entendu faire. Au programme de dimanche dernier et à celui de dimanche prochain figurent le Prélude de Parcifal et la Chevaulchée des Valkyries.

Mais je dois vous parler d’autres concerts. Les dimanches du Conservatoire sont toujours très aristocratiquement suivis. Le programme des deux premières matinées comportait l’andante et le scherzo de la Réformation-symphonie de Mendelssohn, l’ouverture d’Euryante et la symphonie en la, le tout exécuté en perfection. Il m’a semblé, toutefois, que M. Deldevez avait ralenti plus que de raison le mouvement général du finale de Beethoven. De plus, un chœur de Castor et Pollux, de Rameau, et un Pater noster de Meyerbeer, sans accompagnement.

Je mentionne seulement, n’ayant pu y assister encore, deux auditions particulièrement intéressantes : chez M. Pasdeloup, une ode symphonique de mademoiselle Augusta Holmès, intitulée Pologne, et le Défi de Phœbus et de Pan, de Bach, chez M. Lamoureux.

Outre la Farandole de M. Théodore Dubois et la Sapho retouchée de