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l’exposition Édouard MANET

Dans cette École des Beaux-Arts, dont les murs se couvrent de cryptogames sous l’influence du piteux enseignement officiel, resplendit l’œuvre d’Édouard Manet.

De 1859 à 1883, chaque année de la vie de Manet s’y trouve représentée par quelques toiles. Et c’est avec une vibrante émotion qu’on voit ce fier esprit, dégageant de plus en plus sa personnalité, espionnant la nature avec une acuité grandissante, aller, sans un piétinement et sans un recul, de ses primes œuvres conçues sous l’influence des maîtres espagnols à ces merveilleuses toiles où, en pleine possession de lui-même, il faisait entrer l’air, la vivifiante lumière et la vie.

On est stupéfié des vociférations qui ont suivi Manet dans toute sa carrière, des opinions extravagantes formulées sur ses œuvres, des racontars qui le transformaient en une sorte de rapin mystificateur, ignare et débraillé. Et pourtant, comme le dit Théodore de Banville :

Ce riant, ce blond Manet,

De qui la grâce émanait,

Gai, subtil, charmant en somme,

Dans sa barbe d’Apollon,

Eut, de la nuque au talon,

Un bel air de gentilhomme.

Manet mort, le public consent à admirer. D’ailleurs n’y a-t-il pas consécration officielle ? Le révolté n’est-il pas entré dans le temple ? Enfin on ne rit plus. Comme toujours, c’est un peu tard. Si j’avais un conseil à donner au public, qui écarquille aujourd’hui devant l’œuvre