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des siècles pour rendre tel ou tel effet de lumière, la recherche de la vie en mouvement, le procédé des larges touches, des ombres faites avec les couleurs complémentaires, la recherche de l’ensemble simplement obtenu, et vous aurez une idée des tendances de Manet. » (L’Art moderne, Paris, 1883. Charpentier, édit.).

De cette époque datent ce tas de chefs-d’œuvre : Argenteuil, En bateau, la Dame aux éventails (1874), le Linge (1875), le portrait du poète Stéphane Mallarmé, la Prune, la Servante (1877), Dans la Serre (1878), Chez le Père Lathuille (1879), Jeanne (1881), Méry (1882), l’Amazone (1883). Citons encore des animaux et des natures-mortes dignes de Chardin, — des fleurs que l’on est tenté de subodorer, — le Chapeau (Antonin Proust), et les portraits de Rochefort et de Pertuiset.

Manet, du reste, n’est pas le brutal que l’on se figure volontiers : la franchise de son faire ne nuit pas à sa délicatesse ; — et à l’appui de cette affirmation, nous ajouterions volontiers que ses portraits de femmes sont presque tous des portraits de femmes blondes, et que ses toiles sont dans une tonalité blonde.

Henri Rivière a croqué en tête de cet article l’Enfant à l’Épée, le Bar aux Folies-Bergère, Lola de Valence, Polichinelle et le Bon Bock.

Il faudrait encore s’arrêter devant les aquarelles, les lithographies, les eaux-fortes d’après Velasquez, les pastels. Ces pastels sont généralement des portraits de Parisiennes, frais comme les pastels de la Rosalba, pleins d’attirance, jetés en quelques crayonnades, comme si Manet avait eu peur d’alourdir, en les travaillant, ces délicieuses esquisses.

Depuis vingt ans, l’influence de Manet est toujours croissante. Subie, même par ceux qui la nient, elle sera de plus en plus considérable.

Tous les artistes dont l’œuvre complète a été groupée en expositions posthumes sont sortis de cette épreuve amoindris, — tous, sauf Édouard Manet.


EXPOSITION DU CERCLE ARTISTIQUE DE LA SEINE
(Janvier 1884. Paris, rue de la Chaussée-d’Àntin, 3 bis).

Parmi les cent cinquante toiles de cette exposition, notons les plus remarquables : le Gusman d’Alfarache de Ribot, superbement exécuté dans la manière de i’Espagrolet, — l’Étang et le Chemin montant, de Cazin, — les Bains de Sainte-Adresse et le Brouillard sur la mer, d’Alfred Stevens, — deux toiles du nature-mortiste Dominique Rozier, — un Coin de Paris de Lerolle, — des Paysages de Boudin, — un Baby d’Henri Gervex, — un tragique Effet d’Orage de Vollon, — des Marines