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plus charmante ; tous ses mouvements étaient gracieux, et, quand elle levait ses bras, doucement arrondis, pour saisir une branche, Métalli ne pouvait s’empêcher de s’arrêter pour admirer les molles ondulations de son corsage et de rester rêveur…

Ainsi à chanter en travaillant, à aimer en chantant, à travailler en rêvant, à s’envoyer et à se rendre quelque furtif baiser, se passa pour les deux enamourés cette matinée bienheureuse.

À midi on alla dîner d’un menu champêtre, où figurait un vaste plat de champignons cueillis au bas des mûriers, et, sous la table, le pied de Métalli pressant tendrement celui de Perlette, continua la conversation engagée depuis le matin.

Ils se disaient ainsi des choses fort tendres et goûtaient le bonheur de s’aimer en secret à la barbe de Bôte, lorsque celui-ci, qui avait surpris l’intelligence qui déjà existait entre Perlette et Métalli et qui brûlait de les plaisanter :

— Regardez donc votre Métalli, dit-il à la mère Jeanne, il cherche la Perlette… il lui fait les doux yeux et vous n’en voyez rien !… Tout le matin il a chanté pour elle… Ah ! ah ! ah ! on a bien raison de dire que l’amour apprend les ânes à danser !…

Et il se mit à rire comme un vieux faune.

Métalli rougit jusqu’aux oreilles, craignant déjà que l’on ne renvoyât celle qu’il aimait.

Mais la mère Jeanne, loin de se courroucer pour cela :

— Que voulez-vous ! ils sont jeunes, dit-elle avec bonté.

— C’est bien à toi à parler, sacré gourin ! lui dit le père Louis.

Et Bôte, voyant que ça ne prenait pas, alluma sa pipe noire, rajusta son bonnet couleur arc-en-ciel et l’on repartit pour les mûriers.

En chansons, en sourires, en baisers se passa la journée.

Le jour suivant il en fut de même, et les deux amants plus familiers se plaisantèrent et même s’envoyèrent espièglement, à travers les branches, des coquilles de noix qu’ils avaient ramassées sous les noyers, en venant.

Métalli était heureux, mais il regrettait de ne pouvoir aller défeuiller seul à seul avec Perlette :

— Sans ce contrariant de Bôte, se disait-il, on nous eût laissés ensemble…


Il y avait déjà cinq jours que Perlette était à la ferme : elle allait partir le lendemain et Métalli n’avait pas encore osé un seul baiser, lorsque le soir de ce cinquième jour, au retour des champs, l’amour qui les attendait dans un fenil, les poussa invinciblement l’un vers l’autre. On était à y entasser les feuilles desséchées et la mère Jeanne venait de passer dans la pièce voisine, emportant la lanterne. Elle leur avait dit : Attendez un instant : je vais déverser par la trappe, ces fanes de pommes de terre dans la crèche des vaches et je reviens sans tarder.