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voulu de parodie donne, comme toujours, des effets assez amusants. En maint endroit, M. Hervé n’a pu se défendre de se copier lui-même, notamment dans un des motifs principaux de l’ouverture où se fait jour le rythme étonnant du fameux chœur de l’Œil crevé : « On va lui couper la tête… » Les effets comiques d’orchestration abondent, mais peu variés. Le procédé le plus fréquent consiste à confier des parties ordinairement attribuées à certains instruments à cordes, aux instruments de cuivre ou de bois, et réciproquement. Parmi les morceaux les plus agréables, je citerai au premier acte le duetto pour deux voix de femme ; au second acte, une romance : « Si l’amitié vous rend heureux… » et au troisième, la chanson paysanne de « Rose et Lubin » et les couplets : « Fleur de jeunesse. »

L’interprétation est composée d’éléments aussi disparates que la pièce : à côté de mademoiselle Cécile Lefort (Alfred), dont le mezzo-soprano éclatant et mal dirigé sort brusquement au milieu des phrases musicales et s’éteint de même sans motif, la voix un peu pointue, mais supérieurement menée de mademoiselle Thuillier (Hippolyte), qui jouait les soubrettes à l’Opéra-Comique avec tant de malice et d’esprit et qui vient, comme tant d’autres, sacrifier au veau d’or des petits théâtres. Sa métamorphose en étoile d’opérette était chose aisée, et j’ai îe regret de constater qu’elle est restée charmante. Je dois mentionner encore une bien jolie femme : mademoiselle Tusini (Brigitte) : elle chante suffisamment, débite bien le couplet et son timbre est agréable ; M. Delaëre (Gennaro), le concurrent de Faure pour les Rameaux, une belle voix dont on peut bien augurer s’il travaille, et enfin M. Solly (Capricorno), le comique ahuri, l’inénarrable hébété. Il supporte toute la pièce et nous l’a fait supporter : c’est beaucoup.

Dans le Fou Chopine, donné à la Renaissance, en lever de rideau, rien qui ressemble de près ou de loin à du théâtre. La Taverne des Trabans n’avait pas réussi à M. Maréchal, malgré sa jolie partition ; voici une seconde tentative moins heureuse encore. Les nouvelles alsaciennes de MM. Erckmann-Chatrian sont faites de très délicates nuances de sentiment et d’observation. Cela est charmant en volume, possible aux Français avec beaucoup de talent ; sur une scène musicale, qui exige de faction et une action très rapide, il n’en reste que des squelettes d’anecdotes inintelligibles et sans couleur. Nous sommes en Alsace, aux vendanges. La fille d’un gros vigneron est amoureuse d’un brasseur du bourg, qui l’airne. Le vigneron refuse sa fille au brasseur, parce que celui ci travaille le houblon et non la vigne. Un quidam survient, nommé le Fou Chopine, nous ignorons pourquoi ; il fait la leçon au père vigneron : « Ne débinez pas l’Alsace ! lui dit-il, l’Alsace, c’est l’union de la vigne et du houblon. » Là-dessus, mariage et chœur de vendangeurs. M. Sellenick a écrit pour cet acte sans intérêt de la