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luttes glorieuses et des batailles romantiques. Les grandes ardeurs sont mortes, et je ne sais quel souffle d’indifférence traverse cet âge repu. À défaut de la Foi, ayons au moins, l’honnêteté.

Armand SILVESTRE.

LA LIBRE REVUE publiera, dans son numéro du 15 octobre, l’Œillet rouge, de Paul Bourget, des Articles de Fabre des Essarts et de Camille Lemonnier et des Dessins de L.-A. Girardot ; — et, dans les numéros suivants, des Vers de Verlaine et de H. de Lacretelle, et des Nouvelles de Claretie et de Coppée.


L’OMBRE DE RABELAIS

J’avais cet âge indécis, où l’enfance qui s’achève semble lutter doucement avec l’adolescence qui va venir, période crépusculaire, où les vagues lointains de la vie apparaissent, et s’ébauchent confusément dans la lumière de l’espérance et le demi-jour du rêve.

Je venais de terminer ce qu’on appelle communément ses études, c’est-à-dire que j’avais très peu lu et très peu retenu, très peu appris le grec et le latin et tout à fait désappris l’histoire. N’importe, j’en savais autant que tel ou tel. Autant que tel ou tel, j’avais le droit de faire ce pas terrible : le choix d’une carrière !

Mais ce choix, où le fixer ?

Question profonde.

Le sacerdoce m’apparut d’abord avec ses sacrifices, ses abnégations, son majestueux et sublime apostolat. Et déjà je me voyais évangélisant les Botocudos, portant la bonne nouvelle aux Apaches, remuant le monde comme un autre saint Paul, et puis, que sais-je ? au bout de tous ces triomphes, le martyre, mais un martyre superbe, éclatant, théâtral, à grand orchestre, en pleine lumière, aux yeux de tous, un martyre me débarquant dans les vingt-quatre heures à la droite de Dieu le Père !

Mais comme l’extase religieuse est, ainsi que toutes les extases, une crise, et que toute crise se calme, la mienne se calma. Je songeai qu’il y a d’autres apostolats que celui du missionnaire, et d’autres médecins que ceux de l’âme. Pourquoi ne serais-je pas médecin du corps ?

Déclarer la guerre à la maladie, rendre la santé aux mourants,