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Page:La question du Congo devant l'Institut de droit international, par Gustave Moynier.djvu/15

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complètement à certaines époques de l’année ; néanmoins, la liberté a été proclamée aussi bien au-dessus qu’au-dessous de cette barrière naturelle, sans que l’on ait tenu compte de la solution de continuité, autrement que pour ordonner des travaux de correction propres à la supprimer[1]. Que l’obstruction soit plus complète au Congo qu’au Danube je ne le conteste pas, mais je dis qu’étant de même nature elle ne doit pas être considérée comme plus insurmontable, aujourd’hui surtout que l’homme se fait un jeu de percer les montagnes, de couper les isthmes et de passer sous les détroits. On cherchera, et l’on parviendra, n’en doutez pas, à frayer un chemin aux embarcations entre le Stanley-Pool et l’Atlantique ; aussi peut-on à bon droit considérer, par anticipation, le fleuve tout entier comme formant une voie navigable continue. Seulement, il faut prévoir le cas où le passage rendu accessible plus tard ne serait pas, en aval du Stanley-Pool, le lit actuel du Congo, mais celui de quelque autre rivière du voisinage ou d’un canal artificiel, pour stipuler expressément que ces issues ou ces voies d’accès futures seront envisagées comme des bouches du fleuve, et que, par conséquent, la liberté de navigation y régnera comme sur le Congo lui-même.

Dans le cas où la « neutralisation » qu’il désire pour le Congo ne serait pas obtenue, M. de Laveleye se contenterait, comme pis aller, de celle des stations hospitalières et des stations missionnaires, créées où à créer par des associations privées[2]

Si je comprends bien sa pensée, il voudrait, par là, empêcher qu’une puissance quelconque fît main basse sur les terres cédées à ces sociétés par les indigènes, et pourvoir à ce que leurs établissements demeurassent toujours des asiles inviolables, privilèges justifiés par leur destination philanthropique.

Cette proposition subsidiaire nous transporte dans un nouvel ordre d’idées. Non seulement elle ne concerne plus l’usage du fleuve, mais elle ne soulève pas une question de droit naturel ; il ne s’agit plus ici que de savoir s’il y aurait convenance et utilité à placer certains territoires sous une loi d’exception.

  1. Conférence de Londres, 1871. (Cf. Engelhardt, p. 131.)
  2. Revue de droit international, t. XV, p. 255.