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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1723

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JÉRÉMIE. — INTRODUCTION.

Dès que Jérémie nous apparaît dans le recueil de ses prophéties, il se montre à nous plein de piété, pénétré d’un vif sentiment de sa faiblesse, sensible et même impressionnable, porté au découragement, mais brûlé du zèle de la loi de Dieu et animé du plus pur patriotisme. Piété et tendresse : ces deux mots résument tout son caractère. Ce n’est point, par tempérament, un homme de lutte et de combat, il est plus disposé à fuir le danger qu’à le braver ; il est ennemi du bruit et ami de la solitude ; il y a même en lui comme une teinte de mélancolie et de tristesse ; il est plus aimant qu’énergique, il a plus de l’apôtre S. Jean que de S. Pierre. Dans les péchés de son peuple, il est moins frappé de leur opposition avec la loi de Dieu que des maux qui en seront le châtiment, et il se distingue par là d’Ézéchiel, son contemporain : les crimes qui excitent l’indignation d’Ézéchiel émeuvent le cœur de Jérémie ; il voit le pécheur plus encore que le péché.

Il semble, humainement parlant, qu’un cœur si tendre était peu propre à remplir une mission prophétique à une époque agitée, troublée, comme devait l’être celle de la prise répétée de Jérusalem et de la ruine définitive du temple de Salomon par le terrible Nabuchodonosor, roi de Babylone. Dieu en jugea autrement que la sagesse humaine. Il voulut montrer en la personne de Jérémie quelle est la puissance de la grâce et la force de l’inspiration céleste, qui transforment, à son gré, les âmes et les cœurs.

Ce prêtre timide, ami de la tranquillité, qui préférerait sa solitude d’Anathoth à la vie bruyante, tumultueuse et militante de la capitale ; cette nature délicate, aimante, plus portée à céder qu’à résister, devient tout autre lorsqu’il s’agit de porter aux hommes les ordres de Dieu : sa foi, sa piété, son obéissance et la grâce le changent complètement ; quand il est seul, il se désole de la mission qui lui a été confiée ; c’est un homme faible, abattu ; mais quand le Seigneur lui ordonne de porter sa parole à Juda, c’est un prophète : menaces, insultes, prisons, supplices, peuple, princes, rois, ne peuvent rien sur lui ; il n’en répète que plus fort les ordres de Dieu ; il est, comme Ézéchiel, un véritable mur d’airain.

Tel nous verrons Jérémie pendant tout le cours de son ministère prophétique, c’est-à-dire pendant plus de quarante ans. Nous trouverons, dans l’explication de ses prophéties, les principaux épisodes de son histoire à partir de l’époque de sa vocation. Elle eut lieu la 13e année du règne de Josias, vers l’an 628 av. J.-C., i, 2. Il avait alors sans doute de dix-huit à vingt ans, i, 6 ; xvi, 2. Il parait avoir quitté peu de temps après Anathoth et passé la plus grande partie de sa vie à Jérusalem, cf. ii, 2, mais il vécut probablement encore quelque temps dans l’obscurité, car son nom n’est pas prononcé dans l’œuvre mémorable de la réforme religieuse, entreprise cinq ans après, la dix-huitième année de Josias ; il n’est question que de la prophétesse Holdah ; c’est à elle que le roi et ses ministres demandent conseil. Nous ne connaissons de lui aucun incident particulier pendant les dix-huit années qui s’écoulèrent depuis sa vocation jusqu’à la mort de Josias, mais nous savons qu’il menait une vie mortifiée, pénitente, solitaire, gardant la continence, xvi, 2 ; s’abstenant d’entrer dans les maisons où l’on était en fête, comme dans les maisons où l’on était en deuil, xvi, 5, 8. Bientôt les persécutions commencèrent : celle de ses compatriotes, xi, 21, et de ses proches, xii, 6, en attendant celle des habitants de la capitale et des principaux de la nation.