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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1724

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1692
JÉRÉMIE.

Vers la fin du règne de Josias, il doit avoir pris quelque part à la discussion des questions politiques contemporaines. Comme du temps d’Isaïe, il y avait toujours deux partis dans le royaume de Juda, celui de l’Egypte et celui de la Chaldée, qui avait remplacé maintenant le parti de l’Assyrie, ruinée par les armes des Chaldéens et de leurs alliés. La chute de Ninive avait fourni au vieux parti égyptien l’occasion de pousser le roi de Juda à faire alliance avec le pharaon Néchao. De même qu’autrefois Isaïe, xxx, 1-7, Jérémie, par l’ordre de Dieu, combattit cette politique trop humaine, ii, 18, 36. Josias se détermina, peut-être pour suivre les conseils du prophète, non seulement à ne point s’allier avec Néchao, mais aussi à s’opposer de vive force au passage de son armée, quand le monarque égyptien porta la guerre en Asie contre les Chaldéens. Dieu permit que le saint roi de Juda pérît sur le champ de bataille de Mageddo. Ce fut une des premières douleurs de la vie de Jérémie, comme nous l’apprennent ses lamentations sur la mort de ce prince, II Par., xxxv, 23. Après ce malheur, il ne prévoit que trouble et confusion, succédant à ce règne de justice, xxii, 3, 16.

Joachaz ou Sellum, quatrième fils de Josias (609), ne régna que trois mois, I Par., iii, 15 ; IV Rois, xxiii, 30-35 ; II Par., xxxvi, 1-4 : Ez., xix, 3-4 ; il fut déposé par Néchao, ce qui montre qu’il n’était pas favorable au parti égyptien. Nous ne trouvons qu’un mot sur lui dans Jérémie, xxii, 11-12 : c’est la prédiction de la mort de ce prince en Egypte, où le vainqueur l’avait emmené.

C’est sous Joakim, second fils de Josias, 609-598, que le ministère de Jérémie prend plus d’importance. Avec ce roi, créature du pharaon, le parti égyptien était le maître en Juda, xxv, 18-19 ; xxvii ; l’ère des persécutions allait commencer contre le prophète qui annonçait que l’Egypte serait impuissante à défendre Jérusalem contre Nabuchodonosor, (cf. xviii ; xix, xxii). Jérémie nous a peint au vif quelques-unes des scènes dans lesquelles ses oracles soulevèrent contre lui les plus violents orages. La première année de ce prince, il faillit être la victime de la fureur populaire, pour avoir annoncé le sort réservé à Jérusalem ; il n’échappa à la mort que par l’intervention des princes de Juda parmi lesquels il devait y avoir encore des conseillers de Josias, xxvi. Environ quatre ans plus tard, l’armée de Néchao, qui était allée combattre les Chaldéens en Mésopotamie, fut battue à Charcamis, xlvi, 2. La victoire de Nabuchodonosor sur le pharaon ruina les espérances du parti égyptien en Juda. Les prophéties de Jérémie commençaient à s’accomplir. Déjà les soldats babyloniens envahissaient de nouveau la Palestine, à la poursuite des Égyptiens vaincus, et ceux qui n’habitaient point dans les villes fortifiées étaient réduits à se réfugier dans les murs de Jérusalem, comme le firent les Réchabites, xxxv, (cf. IV Rois, x, 15), pour échapper à la brutalité de l’ennemi. Le prophète choisit ce moment solennel, où la patrie courait un danger évident, pour faire promulguer par son disciple Baruch tous les oracles divins qu’il avait fait recueillir en volume. L’émotion fut grande ; Jérémie et son secrétaire furent obligés de se cacher; Joakim brûla le rouleau qui contenait la prédiction des malheurs de sa capitale, xxxvi. Sans se laisser déconcerter, Jérémie s’empressa de dicter de nouveau ses prophéties à Baruch, xlv. II apprit, sur ces entrefaites, que la captivité de Babylone durerait soixante-dix ans, xxv, 8-12. Les malheurs qu’il avait prédits à Joakim ne tardèrent pas à se réaliser : Nabuchodonosor assiégea et prit Jérusalem ; il emmena captifs un certain nombre de Juifs parmi lesquels Daniel et ses compagnons (606). C’est de cette première déportation que datent les soixante-dix ans de la captivité.