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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1859

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[ch. i.]
1827
LAMENTATIONS DE JÉRÉMIE.


consacré pour le début d’une élégie. Les Septante substituèrent à ce mot initial, comme ils l’avaient fait pour le Pentateuque, un titre plus significatif, et les désignèrent sous le nom de threnoi. Notre dénomination, les Lamentations, n’est que la traduction du grec. C’était un vieil usage de faire des élégies sur la mort des personnes aimées ; il fut étendu aux malheurs publics. Jérémie déplora dans ses Lamentations la ruine de Jérusalem et du temple, comme il avait déploré auparavant la mort de Josias.

Les Lamentations se composent de cinq petits poèmes ou élégies distinctes, correspondant aux cinq chapitres de la Vulgate.

Les quatre premiers chapitres sont des pièces alphabétiques, c’est-à-dire que chaque verset commence par une des lettres de l’alphabet hébreu dans le texte original. La troisième élégie a cela de particulier, que la lettre initiale caractéristique reparaît trois fois, ce qui a fait diviser le iiie chapitre en 66 versets au lieu de 22, qu’on compte dans les deux premiers. La cinquième élégie n’est pas alphabétique, mais elle se compose également de 22 versets.

Peu de livres ont obtenu aussi efficacement que les Lamentations de Jérémie le but que s’était proposé leur auteur. Que d’infortunés ont trouvé dans l’expression des douleurs du Prophète un adoucissement à leurs propres douleurs ! Elles séchèrent sans doute plus d’une fois les larmes des captifs, sur les bords des fleuves de Babylone, et quand ils furent de retour dans leur patrie, ce fut le livre des souvenirs, qui leur rappelait leurs maux passés. Chaque année, le 9 ab (juillet), on jeûna et on lut dans les synagogues, au milieu des larmes, les Lamentations de Jérémie, en mémoire de ces mauvais jours. Et plus tard, quand la grande victime, l’agneau de Dieu qui devait effacer les péchés du monde, eut été immolée sur le Calvaire, l’Église, pour célébrer les mystères de la passion et de la mort de Notre-Seigneur, adopta les chants lugubres du Prophète : pendant la Semaine-Sainte, on entend retentir dans toutes les églises du monde catholique les accents plaintifs de Jérémie, déplorant un malheur plus grand que celui de la ruine de Jérusalem et du temple, le supplice d’un Dieu, mis à mort par ceux qu’il était venu racheter.




CHAPITRE 1.

Jérémie déplore la désolation de Jérusalem, et annonce les vengeances de Jérusalem contre ceux qui se réjouissent du malheur de cette ville.

a[1] Et il arriva, après que le peuple d’Israël eut été emmené en captivité, et que Jérusalem fut déserte, que Jérémie, le prophète, s’assit pleurant, et qu’il fit entendre ses lamentations sur Jérusalem, et que d’un cœur amer, soupirant et gémissant, il dit :

  1. a Ce préambule, qu’on lit dans les Septante, ne se trouve ni dans l’hébreu, ni dans chaldéen, ni dans le syriaque, ni dans les plus anciens et les meilleurs manuscrits de la version de saint Jérôme. L’édition de Sixte V l’a joint à la fin du chapitre lii de Jérémie comme si elle eu faisait partie. Saint Bonaventure, suivi du plus grand nombre d’interprètes, soutient que ce n’est pas une écriture canonique, mais une simple addition qui vient des Grecs et qui n’a jamais été dans le texte original. — Quant aux mots aleph, beth, etc., ce sont les noms des lettres de l’alphabet hébreu, qui sont au nombre de vingt-deux, rangés dans leur ordre naturel.