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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/483

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16. Aod se fit un glaive à deux tranchants, qui avait au milieu une garde de la longueur de la paume de la main, et il le ceignit sous son sayon, sur la cuisse droite.

17. Et il offrit les présents à Eglon, roi de Moab. Or, Eglon était extrêmement gros.

18. Lors donc qu’il lui eut offert les présents, il suivit ses compagnons qui étaient venus avec lui.

19. Puis, revenu de Galgala, où étaient les idoles, il dit au roi : J’ai une parole secrète pour vous, ô roi. Et le roi commanda le silence, et tous ceux qui étaient autour de lui étant sortis,[1][2]

20. Aod s’approcha de lui : or, il était assis dans sa chambre d’été, seul ; Aod lui dit donc : J’ai une parole de Dieu pour vous. Le roi aussitôt se leva de son trône.

21. Et Aod étendit la main gauche, et prit le glaive de dessus sa cuisse droite, et l’enfonça dans son ventre,

22. Si fortement, que la poignée suivit le fer dans la blessure, et s’y trouva très resserrée par la graisse extrêmement épaisse. Il ne retira donc point le glaive, mais il le laissa dans le corps, comme il était, lorsqu’il eut porté le coup : et aussitôt les excréments renfermés dans le ventre s’échappèrent par les conduits naturels.

23. Or, Aod, ayant fermé avec le plus grand soin les portes de la chambre, et y ayant mis les verrous,

24. Sortit par le derrière. Cependant les serviteurs du roi étant venus, virent les portes de la chambre fermées, et ils dirent : Peut-être satisfait-il à un besoin dans la chambre d’été.

25. Et ayant attendu longtemps jusqu’à en être troublés, et voyant que personne n’ouvrait, ils prirent la clef ; et ouvrant, ils trouvèrent leur maître étendu sur la terre, mort.

26. Mais Aod, pendant que ceux-ci étaient dans le trouble, s’enfuit et traversa le lieu des idoles, d’où il était revenu. Il vint à Séirath ;[3]

    qui se rendit célèbre chez les Romains par un acte semblable à celui d’Aod, était aussi gaucher ; et c’est la signification même de son surnom de Scævola.

  1. Juges 3,19 : De Galgala. Voir Juges, 2, 1. ― Où étaient les idoles, c’est peut-être un nom de lieu, Pesilim. Au verset 26, nous lisons le lieu des idoles.
  2. Juges 3,19-22 : Si on était obligé de justifier cette conduite d’Aod, on pourrait dire qu’il croyait, d’après les préjugés du temps, et le droit de la guerre, beaucoup plus rigoureux à cette époque reculée qu’il ne l’est aujourd’hui, qu’il lui était permis de recourir à un pareil stratagème. N’est-il pas possible d’ailleurs que Dieu ait suscité ce général pour sauver son peuple, sans lui inspirer ce meurtre ? ― Chez tous les peuples et dans tous les temps, on a admiré le sang-froid, l’audace, le courage et le dévouement qu’indiquent, dans leurs auteurs, des actes comme ceux d’Aod, quoique ces actes ne soient pas du tout point irrépréhensibles. Les Athéniens ont chanté les louanges d’Harmodius et d’Aristogiton, les Romains ont glorifié Mucius Scævola.
  3. Juges 3,26 : Séirath, localité inconnue de la montagne d’Ephraïm.