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fin de roman

Ah ! elle en avait des patrons : un alcoolique, une morphinomane et un tuberculeux.

Chaque mois, la mère venait régulièrement chercher les gages de sa fille. Luce avait fini par obtenir une paire de souliers, mais n’était pas vêtue.

— Écoutez, madame, la petite est en haillons. Il lui faudrait une robe ou deux. Je ne peux tolérer qu’elle aille répondre à la porte et fasse entrer les gens vêtue comme une pauvresse. Je lui paie un salaire et je veux qu’elle soit mise convenablement et ne me fasse pas honte.

Il avait fallu réclamer énergiquement pour que Luce puisse s’acheter une pauvre jupe. Mme Pelle était indignée de cette âpreté à s’emparer de l’argent gagné par la petite bonne.

— Qu’elle est donc désagréable cette femme-là ! s’était-elle exclamée. Ce n’est pas étonnant que son mari l’ait mise au rebut.

Les jours, les semaines et les mois passaient. La vie était toujours la même, effroyablement monotone et déprimante.

Un matin, comme Luce montait le déjeuner du malade, elle frappa à sa porte, mais ne recevant pas de réponse, elle ouvrit quand même. Le garçon était mort dans son lit…

Désormais, Mme Pelle n’avait plus besoin des services de la bonne et Luce reçut son congé. Il y avait quatorze mois qu’elle était dans cette lugubre maison. Franchement, elle n’était pas fâchée de s’en aller. Elle partit donc, mais son organisme délabré par suite des années de misère de son enfance, avait été, au contact du jeune malade, un terrain propice aux germes destructeurs et elle avait contracté l’implacable tuberculose.