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fin de roman

De là, elle entra au service de Mme Perron. Celle-ci occupait un très confortable appartement avec de beaux meubles. Et l’on mangeait bien dans cette maison. Luce se croyait chaque jour à un festin. M. Perron, voyageur de commerce, était presque continuellement sur la route. Comme question de fait, il venait seulement passer une fin de semaine chez lui à chaque quinzaine, car il avait un vaste territoire à parcourir. Certainement qu’il devait faire beaucoup d’argent M. Perron, car la dépense était forte.

Luce ne fut pas longtemps sans apprendre que Mme Perron n’était pas mariée. Tout simplement, elle avait pris le nom de l’homme qui la faisait vivre. Elle n’avait guère de scrupules Mme Perron, car presque chaque jour, elle recevait un artiste de la radio, M. Fernand Roupy, jeune et joli garçon qui amenait souvent des camarades. Alors, l’on mangeait, l’on buvait et l’on s’amusait comme s’amusent des gens qui mangent et boivent sans avoir à débourser un sou. Mme Perron était une belle grande brune avec des formes très agréables. L’artiste de la radio était fier de sa conquête et était enchanté de faire voir sa bonne fortune à ses copains.

Il arrivait aussi assez fréquemment que Mme Perron était appelée au téléphone au cours de l’après-midi. D’ordinaire, elle s’habillait alors, sortait et ne rentrait qu’à la fin de la soirée.

La première fois que la mère Botiron vint réclamer les gages de sa fille, elle fut frappée par l’air d’opulence de la maison.

— T’as une bonne place, tâche de la garder, conseilla-t-elle à Luce.

— Oui, je te dis que c’est pas ennuyant comme chez le consomptif, répondit celle-ci.