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fin de roman

guérit, mais ça prend du temps. Je vais vous donner une prescription que vous ferez remplir au coin. Au besoin, revenez me voir.

Luce sortit de là bien découragée, bien démoralisée. Elle arrêta à la pharmacie pour ses remèdes. Le médecin lui avait expliqué qu’il lui ordonnait une boîte de pilules françaises. « Elles coûtent cher, $3.50 »,avait-il dit. Mais le pharmacien qui voulait faire un honnête profit, lui prépara une imitation de sa façon qui lui coûtait peut-être trente-cinq sous et qu’il lui fit payer le prix des pilules françaises.

Maintenant qu’elle avait commencé, Luce continuait de s’abandonner aux étreintes de son ami. Toutefois, elle y trouvait bien peu de volupté. Elle aurait voulu se garder intacte pour le mariage et ces actes défendus lui répugnaient. Avec cela, elle craignait que son ami ne se lasse d’elle et elle redoutait les suites que ces brèves minutes pouvaient lui apporter. Ah ! s’ils eussent été mariés, ç’aurait été différent. En plus, elle se sentait malade ; elle était faible, fatiguée, misérable. Puis elle songeait à ce long traitement que le médecin lui avait ordonné de suivre sans quoi, il pourrait se produire des troubles très graves. Et voilà que pour ajouter à ses ennuis, elle constata un jour que ses règles retardaient. Tout d’abord, elle crut que ce n’était qu’une irrégularité momentanée et que la nature reprendrait sous peu son cours. Il y a comme ça des femmes dont les mois ont des caprices. Elle attendit donc dans une vive inquiétude, mais les jours passaient et rien ne venait. Alors elle devint en proie à une terrible appréhension. Serait-elle enceinte ? Quelle calamité ce serait ! Et que ferait-elle d’un enfant ? Ces pensées l’étourdissaient, semblaient lui vider le cerveau, la rendaient stupide. Malgré