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fin de roman

tout, elle conservait une lueur d’espoir, elle ne pouvait s’imaginer qu’une pareille catastrophe pourrait lui arriver à elle. Ce qu’elle avait tant redouté chaque fois qu’elle s’était donnée allait-il devenir un fait ? Le jour vint où elle n’eut plus d’illusions, où elle eut l’amère conviction qu’elle était enceinte. Il n’y avait plus de doute à avoir. Alors, elle fut comme prise de panique. La nuit, elle ne pouvait dormir, pensant tout le temps à son malheur. Les yeux grands ouverts dans son lit, rongée d’inquiétude, elle se demandait à haute voix dans les ténèbres : « Qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce que je vais devenir ? » Puis elle se tournait vers Dieu pour obtenir de l’aide, du secours. « Je promets de faire chanter une grand-messe si j’ai une fausse couche »,disait-elle, lorsque obsédée par cette pensée de maternité elle ne pouvait trouver le repos. Les heures de la nuit s’écoulaient lentes, angoissantes. Accablée de fatiguée, elle sombrait au sommeil au matin, mais la sonnerie de son cadran la faisait soudain se lever, lasse et infiniment malheureuse, pour commencer une autre journée de travail pénible et épuisant.

Puis, voilà qu’elle commença à éprouver des douleurs lancinantes dans le cou, le bras gauche et l’épaule. C’était une sensation aiguë qui l’empêchait de finir le geste commencé. À son travail elle était à la torture. Au bout de quelques jours, elle se décida à aller voir le vieux médecin qu’elle avait déjà consulté une fois. Après avoir écouté ses explications et lui avait fait remuer le bras il déclara : « C’est sûrement du rhumatisme・ Vous êtes bien jeune pour souffrir de ce mal-là ». Comme remède, il recommanda les frictions avec un liniment camphré.

— Ah ! ce que je suis affligée, pensait-elle.