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fin de roman

prison. Forcément, elle subissait son sort mais elle était terriblement aigrie. Les autres non plus n’étaient guère de bonne humeur. Depuis longtemps, la fille avait un neveu et une nièce : Narcisse et Zélie. La belle-sœur mourut alors que celle-ci avait dix-huit ans, puis le mari partit à son tour six mois plus tard. Avec sa sœur dans la maison, il n’avait guère eu d’agrément.

Le fils Narcisse hérita de la terre, toujours sujette aux mêmes charges que du vivant de son père. C’était un garçon qui connaissait ses droits et ses obligations. Jamais il n’eut aucune vexation à l’égard de sa tante qui lui était absolument indifférente. Elle avait sa chambre dans la maison et mangeait à la table commune, mais il la considérait un peu comme une étrangère. Puis, il décéda subitement. Désormais la tante Françoise et la nièce Zélie restèrent donc seules. Incapable de cultiver une terre, la nièce vendit la ferme et, désormais, vécut de l’intérêt de son argent et du produit de son jardin. Oppressée et contrainte pendant tant d’années, mais libre maintenant, la tante s’exerçait à opprimer à son tour. Peu à peu, elle prenait de l’ascendant, de l’autorité sur sa nièce de quarante ans plus jeune qu’elle, affirmait des exigences plus ou moins raisonnables. Parfois, il y avait des conflits. La plupart du temps, la vieille tante gagnait. De bonne foi, et vigoureusement, elle réclamait des droits imaginaires, se montrait ambitieuse. Sûrement qu’elle ne se rendait pas compte de son égoïsme, mais elle cherchait à avoir plus que sa part. Pour la nourriture, c’était elle qui imposait ses goûts, qui ordonnait ce qu’il fallait acheter. Et jamais satisfaite, conduisant la maison alors que c’était l’autre qui payait. Elle était presque la maîtresse. La trame de leur existence se composait d’incidents insignifiants et désagré-