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fin de roman

à la tante, un paquet de vieux bas troués au talon et aux orteils. « Vous pourrez peut-être vous en servir pour natter des tapis », explique-t-elle. La tante les prend et les serre dans sa chambre. Les froids arrivés, elle les raccommode et les portera tout l’hiver. C’est ça de moins qu’elle a à s’acheter. Elle économise afin de se faire dire des messes à sa mort.

L’huilier

Vers la fin de septembre, une dame de la ville qui a passé l’été dans la localité entre un après-midi chez la nièce Zélie de qui elle a acheté des légumes au cours de la saison. Elle doit quitter la campagne sous peu et tient à lui dire bonjour avant son départ. Tout en causant, Zélie ouvre l’armoire pour y prendre une assiette afin d’offrir des gâteaux à la visiteuse. Sur la tablette du haut, celle-ci aperçoit un huilier, l’une de ces pièces pyramidales en verre et simili argent, l’une de ces pièces comme on en voyait autrefois au centre de la table, lors des repas de fêtes. Elle contemple ce curieux objet.

— Dites donc, Mlle Gendron, ça doit être vieux ce huilier que vous avez là ?

— C’est mon grand-père qui l’avait acheté et mon père en a hérité. Il a soixante-quinze ans au moins.

— Puis, vous ne me le vendriez pas ? Vous ne devez pas vous en servir bien souvent puisque vous l’avez placé si haut.

— Si vous y tenez, je vous le céderai. Tenez, donnez-moi une piastre et demie et il est à vous.

— Entendu, fait la dame qui ouvre son porte-monnaie et dépose sur la table le prix de son acquisition.