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fin de roman

À quatre heures, elle était rendue à l’église. Là, elle s’installa dans un banc et attendit. Lorsqu’elle entendit sonner l’angelus, comme le temple était désert, elle manga sa tranche de pain et attendit. Le temps passait lentement. L’église était silencieuse et la tante Françoise sentait le sommeil la gagner. Elle résista de toutes ses forces, se mit à réciter le chapelet, mais les yeux lui fermaient malgré elle. Alors, elle se leva et commença à faire un chemin de croix. Ce mouvement eut le don de la réveiller.

Finalement après une longue, très longue attente, les fidèles commencèrent à arriver et le sacristain alluma les cierges. Puis le prêtre et les enfants de chœur firent leur apparition. Et ce fut la messe, la messe de minuit, une messe solennelle. La nef de l’église était remplie. Réellement, la tante Françoise était bien heureuse. Elle goûtait pleinement la grandiose cérémonie, les cantiques, la musique de l’orgue. En arrivant, elle s’était installée à une place tout en avant et elle ne perdait pas un mouvement de l’officiant à l’autel. Certes, elle avait attendu bien longtemps mais elle était amplement récompensée. Elle avait l’âme remplie d’allégresse.

À l’Ite missa est, les paroissiens quittèrent leurs bancs et sortirent du temple. La tante Françoise était ravie d’avoir assisté à la messe de minuit mais elle avait faim et se sentait fatiguée. Rendue dehors, elle constata que le temps était devenu plus froid qu’au départ, que le vent soulevait la neige et produisait une poudrerie bien désagréable. Les fidèles se hâtaient de monter dans leurs voitures, pour retourner chez eux. Pas ainsi pour la tante Françoise. Elle s’était rendue à l’église sur ses jambes et elle retournerait chez elle de la même façon. À quatre-vingt-cinq ans, faire un mille à pieds, l’hiver, avec le vent dans