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fin de roman

la figure, la tâche est rude. Courageusement, elle partit donc. Mais par moments, la poudrerie qui lui arrivait dans la face l’aveuglait. Elle avançait quand même, le dos courbé et la tête penchée en avant. À un moment, comme elle avait peine à respirer elle se retourna et se mit à marcher à reculons. De cette façon, elle n’avançait que très lentement. Puis, exténuée, elle arrêta un moment pour reprendre haleine. À ce moment, elle était terriblement fatiguée et aurait bien aimé s’étendre dans son lit. « Ce sera bientôt, » se dit-elle. Mais elle avait les esprits confus, embrouillés. Alors, lorsqu’elle se remit en marche, elle avait oublié qu’elle avait marché à reculons un moment et elle se mit à avancer, marchant dans la direction où elle se trouvait. De cette façon, au lieu de se rapprocher de sa maison, elle s’en éloignait et retournait vers le village. Comme elle regardait uniquement devant elle et non à ses côtés, elle ne se rendait pas compte qu’elle marchait dans le mauvais sens. Ce n’est que lorsqu’elle aperçut soudain à sa droite, tout à côté de la route, la grosse maison en brique de Télesphore Dubois qu’elle se rendit compte de sa déplorable erreur. Découragée, elle tourna sur elle-même et reprit le chemin de sa maison. Le vent lui cinglait la figure et elle avait les jambes lourdes, très lourdes. Elle marchait dans le froid, dans le noir, dans le vent et la neige. Se sentant si seule, si faible, si lasse, perdue dans la nuit, elle se mit à pleurer et à gémir. Terriblement abattue, elle se demandait si elle parviendrait jamais à arriver chez elle.

Dans son lit, la nièce Zélie dormait profondément. À un moment, elle s’éveilla et regarda l’heure à son cadran. Deux heures et demie, dit-elle, et ma tante qui n’est pas encore rentrée. Inquiète, elle se leva, alluma sa lampe