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fin de roman

ser, de me prendre dans ses bras. Ce n’était pas tant l’homme qui me répugnait, car il était bien de sa personne, que sa duplicité et son hypocrisie. J’avais commencé à travailler et je gagnais à peu près ma vie. À la maison, la situation était intenable. Puis, je ne pouvais rien dire à ma mère. Elle était folle de son mari et je lui aurais causé énormément de peine en lui faisant cette révélation. Même, elle aurait pu croire que c’était moi qui l’aguichais et provoquais son mari.

Un dimanche après-midi, alors que ma mère était allée au cinéma, mon beau-père profitant du fait que nous étions seuls, tenta de me prendre de force. Je parvins toutefois à lui résister et à m’enfuir au dehors. Je ne devais plus retourner à la maison. Je me louai une chambre en ville et comme des milliers d’autres, je pris mes repas au restaurant. La vie était dure, mais au moins, je n’étais pas astreinte à endurer sans rien dire les entreprises galantes du mari de ma mère. Je traversais un âge critique et je n’avais pas de protecteur naturel. Ajoutez à cela que, sans qu’il y eut de ma faute, j’exerçais une étrange fascination sur les hommes et j’eus fréquemment à me défendre de leurs embûches et de leurs pièges. Toutefois, je me rendis à vingt-deux ans sans aventure regrettable. C’est alors que je rencontrai un jeune homme, Walter Houston, qui me plut dès la première heure. Je dus créer une bonne impression sur lui également, car il me demanda à plusieurs reprises pour souper ensemble, aller au cinéma ou faire une promenade. Il paraissait se plaire en ma compagnie, mais je le trouvais trop entreprenant, et j’eus souvent à lui dire de se calmer. Malgré cela, je m’attachais davantage à lui. Pour dire toute la vérité, je l’aimais à la folie. Nous nous voyions une couple de fois par semaine,