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fin de roman

— Ma mère, j’ai à t’entretenir d’un sujet bien grave. Il fit une pause. Mme Louye était dans une attente qui l’oppressait.

— Je sais tout le respect que je te dois, reprit-il, et il m’est extrêmement pénible d’aborder pareil sujet, mais je crois que c’est mon devoir de t’en entretenir et que je ne puis faire autrement. Là, il fit une nouvelle pause. Mme Louye comprenait que ce qu’il avait à dire le gênait terriblement et qu’il devait faire un rude effort pour exprimer ce qu’il avait dans l’idée. Puis, comme s’il eût franchi d’un bond un obstacle, il ajouta rapidement : Je veux parler de ta liaison avec Paul Amiens.

À ces paroles, la tête de Mme Louye se courba comme sous le poids d’une accusation.

— Tu sais que je vais être ordonné prêtre dans quelques semaines. J’ai choisi la vocation religieuse pour sauver les âmes, tâcher de les conduire à Dieu. Et quelle âme peut m’être aussi précieuse que la tienne ? C’est donc elle surtout que je voudrais ramener dans le sentier qui conduit au bonheur éternel. Tu sais, je voudrais commencer l’exercice de mon ministère avec une confiance absolue, mais lorsque je pense à toi, à ta vie, il me semble que je suis indigne d’une si haute faveur car j’ai l’impression que je porte un peu le poids de ta faute, moi qui suis ton fils. Tu comprends, ma mission sera d’arracher les pécheurs à leur perdition pour les ramener dans la bonne voie. Or, si je ne parvenais à sauver qu’une seule âme, je voudrais que ce soit la tienne, ma mère, celle-là qui m’est plus chère que toutes les autres. Pour ce jour prochain qui va être le plus beau de ma vie, je voudrais pouvoir me dire que j’ai payé ma dette à celle qui m’a donné la vie en la mettant en paix avec Dieu. Si