Page:Laberge - Fin de roman, 1951.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
fin de roman

d’or et de son sourire, sentait son cœur se fondre de la sentir enfin heure use.

Dégagés de tout regret, ils vécurent des jours d’extase infinie, se promenant et vagabondant dans les montagnes.

Parfois, absorbés dans une douce songerie, ils restaient de longs moments silencieux, assis près du lac vert, d’une attirance fatale.

Dercey contemplait le fin et délicat profil d’Aline ; il s’enivrait de ses grands yeux bleus qui avaient failli lui faire perdre la raison.

Un matin, Aline jetant par hasard un coup d’œil sur un journal après le déjeuner, se tourna brusquement vers Dercey, et à voix basse :

— Il est mort, dit-elle.

Et du doigt, elle lui montra un nom parmi la liste des soldats canadiens tombés sur les champs de bataille en France.

Le nom lui était inconnu, mais il avait compris. Il, c’était celui-là qui avait brisé l’existence d’Aline, qui avait été la cause première de tous ses malheurs.

Alors, une petite ombre blonde aux yeux bleus, d’un charme infini, sembla passer devant les yeux d’Aline, puis disparut légère.

Et la jeune femme blonde aux grands yeux bleus revit par la pensée, en une seconde, la petite tombe lointaine dans laquelle reposait à tout jamais ce qu’elle avait eu de plus cher au monde.

Celui-là mort, Blois mort, morts, morts, tous morts. Elle aussi mourrait et bientôt.

Ah ! c’était une femme fatale. Tous ceux qui avaient tenté de voir le ciel dans l’azur de ses grands yeux, tous ceux qui avaient voulu goûter sur ses ardentes lèvres rou-