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fin de roman

douceur et la patience nécessaires pour lui assurer une belle récompense au ciel.

Prendre soin d’un pensionnaire comme le père Dubon ça valait plus que vingt piastres par mois. Alors, les sœurs se mirent à questionner pour savoir combien d’enfants il avait, ce qu’ils faisaient, combien ils gagnaient. Évidemment, elles voulaient un supplément pour l’entretien du vieux. Et cette perspective d’avoir à payer, d’avoir à donner de l’argent rendait les fils et les filles du père Dubon bien malheureux.

Thérèse qui avait deux enfants, Farina, treize ans, et Fernand, sept ans, vivait dans l’inquiétude. Sans cesse, elle s’attendait à recevoir un compte de l’hospice. « Mon père, disait-elle, c’est une hypothèque, que j’ai sur les bras. C’est fatiguant d’avoir une hypothèque lourde comme celle-là. Autrefois, lorsque j’étais haute comme ça, je l’entendais qui disait : J’ai hâte que mes enfants travaillent pour me faire vivre. Et des années plus tard, quand Louise et moi avons pris des emplois, il fallait chaque samedi lui remettre notre enveloppe de paye. C’était lui qui achetait nos billets de tramways. Chaque lundi matin, il nous en remettait douze à chacune. Cela, c’était pour la semaine et, s’il nous arrivait d’en perdre un, il nous traitait d’écervelées. Il faisait dire des messes pour que nous obtenions des augmentations de salaire, mais lorsque nous avions besoin d’une paire de souliers, il disait que nous le faisions exprès pour les user. Pour avoir une nouvelle robe, il fallait presque se mettre à genoux. On aurait dit que c’était une charité qu’il nous faisait. Quand je pense que pendant les sept années que j’ai travaillé, je n’ai jamais vu la couleur de mon argent ! Puis, lorsque les garçons ont commencé à venir à la maison, lorsqu’ils se pré-