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fin de roman

sentaient le soir ou le dimanche après-midi pour rendre visite à ses deux filles, il grognait : J’ai hâte de trouver du travail, les cavaliers je les mettrai à la porte. Alors, lorsque je me suis mariée, il est entré dans une rage terrible. Pensez donc, il perdait un salaire. La vieille bourrique ! Avant de l’épouser, maman lui avait fait prendre une assurance sur la vie pour se protéger, pour vivre en sécurité. Parfois, elle l’interrogeait : Tu as payé ta prime d’assurance ? Certainement, certainement, répondait-il, mais un jour, au bout de dix ans, elle découvre qu’il lui avait menti et qu’il n’avait jamais payé les primes. Vieille fripouille !

Thérèse, des jours elle monologuait : C’est-il vrai que je n’apprendrai pas un jour une bonne nouvelle, qu’on ne viendra pas me dire que mon père est mort, qu’il s’est décité à partir, à aller se pensionner chez le Bon Yeu ? Si c’est pas malheureux de toujours avoir cette menace sur la tête, de toujours se demander s’il ne faudra pas payer pour sa pension ou pour le médecin. On a assez de pourvoir à notre famille. On travaille et lui, il n’a jamais rien fait, à part de nous mettre au monde. Lorsqu’il mourra je serai bien prête à fournir ma part pour ses funérailles, mais qu’il se décide, qu’il crève au plus tôt et qu’on en soit débarrassé. Et le premier dimanche après l’enterrement, j’irai à la messe avec ma belle robe rouge, à la grand-messe avec ma robe rouge flamboyante, ça, je le jure.

Il était bien affligé le père Dubon, mais il n’était pas au bout de ses misères, car il commença à souffrir gravement de la prostate. Pour le soulager, le médecin devait se servir de sondes. Ça, c’est bien ennuyeux. Alors, les sœurs lui coupèrent sa ration de breuvage. Le matin, on lui donnait un demiard d’eau dans une bouteille. C’é-