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fin de roman

tait sa provision pour la journée, mais par moment, il avait tellement soif qu’il buvait l’eau bénite qui était dans le bénitier à la tête de son lit. Mais bénite ou pas bénite, il endurait ensuite le martyre pour s’en débarrasser. Avec cette maladie-là, le vieux ne pouvait durer longtemps et la question des frais des funérailles recommença à hanter l’esprit de ses enfants. Guillaume écrivit au curé à Chicago, le prévenant que leur père était au plus mal. Alors, l’abbé prit l’autobus pour Montréal. Il y avait six ans qu’il n’avait pas vu ses parents. En arrivant, il se rendit directement à l’hospice pour voir le vieux, mais celui-ci ne le reconnut pas. Le lendemain cependant, il retrouva son fils dans ce visiteur. Et tout de suite, il entonna sa complainte : Je m’ennuie, je m’ennuie. Personne ne vient me voir ici. Puis, il se lamenta : Ce que je souffre c’est effrayant. Juste à ce moment-là, il eut une féroce attaque du mal qui se mit à le ronger, à le tenailler. Le corps crispé, tordu, dans une lutte désespérée contre la douleur, il s’accrochait, s’agrippait aux radiateurs à la tête de son lit. Tout son être tendu cherchait à échapper à la torture, à la souffrance arrivée à son paroxysme, puis la chair vaincue, écrasée, tombait à l’anéantissement. Impassible, une religieuse assistait à cette révolte de l’être humain contre la douleur. Certes, elle avait des calmants sous la main, mais des calmants, ça coûte de l’argent et puis, il est bon que les malades souffrent pour expier leurs péchés, pensait-elle.

— Après une bonne crise comme ça, il repose en paix, déclara-t-elle au prêtre épouvanté de ce spectacle.

L’abbé partit de là bien déprimé. C’est rudement triste de voir la misère et la déchéance des siens.