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fin de roman

À la ville, il décida d’aller tout d’abord chez Thérèse qui était un cordon bleu émérite et de se faire préparer un bon repas. Avant d’arriver, il acheta une pinte d’huîtres et les remit à sa sœur en lui disant : Fais-moi frire cela pour mon dîner. Hein ? Ça va me faire du bien de manger.

— Maman le disait bien. Celui-là, il ne pense qu’à sa gueule, fit mentalement Thérèse.

Tout de suite, elle endossa son tablier. Il la suivit à la cuisine afin de causer. Thérèse le regardait et le trouvait vieilli, l’air fatigué, ennuyé. Tout le monde a ses tracas. Et six ans d’absence, ça ne rajeunit pas un homme. Cependant, lorsqu’il se mit à table, il paraissait de meilleure humeur. Les huîtres frites étaient franchement délicieuses, mais il fallait les partager avec le beau-frère Désiez et les deux enfants qui étaient insatiables. De vrais gouffres. Le curé coupait ses huîtres en deux et s’empiffrait de larges bouchées qui lui remplissaient la bouche et qu’il avalait avec gourmandise.

Après être sorti de table, le curé bien repu, s’était installé sur le chesterfield, les jambes étendues, croisées l’une sur l’autre et il fumait béatement son cigare.

— Alors, tu as vu le père. Comment l’as-tu trouvé ? demanda Thérèse.

— Bien, tu sais, il est triste à voir. Il est égaré par moments et lorsqu’il a l’esprit lucide, il se lamente, il dit qu’il s’ennuie.

Alors Thérèse éclata.

— Ah ! il s’ennuie, il s’ennuie. Mais lorsqu’il était chez lui, il dévissait la sonnette de la porte afin de ne pas