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L’HOMME À LA
CHALOUPE JAUNE


Chaque dimanche de l’été, l’on voyait vers les dix heures du matin une petite chaloupe jaune remontant au lent mouvement du rameur la calme petite Rivière aux Poux. Elle s’arrêtait toujours au même endroit, juste à égale distance des deux rives, vis-à-vis une vieille maison en pierre à toit rouge d’un côté et un gros orme centenaire de l’autre. Rendu là, l’homme jetait l’ancre, regardait un moment autour de lui puis, sans doute satisfait de se retrouver à sa place habituelle, dans son coin préféré, il se reposait pendant quelques minutes, immobile sur le siège de son embarcation. Il avait adopté cet espace particulier. Là, il se trouvait comme chez lui. Il y a des gens qui possèdent une belle maison dont ils sont fiers, une vaste propriété dans laquelle ils se promènent avec satisfaction, un yacht de luxe dans lequel ils font des voyages avec des amis, mais l’homme à la chaloupe jaune qui la louait au commencement de l’été pour toute la saison éprouvait dans sa modeste embarcation infiniment plus de contentement que les