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fin de roman

Néanmoins, la nouveauté du décor, le charme de la campagne et les connaissances que fit Simone lui firent accepter pendant quelque temps les odieuses tromperies, la répugnante exploitation du patron. À ce moment, il y avait une quinzaine de malades âgés de vingt à trente-cinq ans, qui occupaient de petites cabines presque contiguës les unes aux autres. Après le déjeuner, la plupart des malades faisaient la sieste au soleil dans la chaise longue qu’on leur louait une piastre par semaine. L’après-midi, l’on faisait généralement une promenade en groupe, mais quelques pensionnaires plus faibles que les autres, restaient assis devant leur cabine, enveloppés dans une couverture bigarrée, immobiles comme des momies et paraissant déjà figés dans la mort. D’autres jetaient parfois un regard indifférent, détaché, sur la route qui ne mènerait qu’à leur tombeau.

Dans cette triste pension, véritable antichambre de la mort, des idylles se nouaient assez fréquemment entre de pauvres êtres qui n’avaient pas plus de six mois à vivre. Le dénouement ne tenait jamais du roman. Tantôt, l’un des amoureux retournait dans sa famille parce qu’il n’avait pas les ressources voulues pour rester plus longtemps dans cette infirmerie ; d’autres, désespérant de trouver la guérison à cet endroit, partaient avec l’idée de la chercher ailleurs ; quelques-uns laissaient la pension dans leur cercueil.

Dans le moment, c’était un architecte de Boston qui s’était épris d’une jolie brune qui avait été employée pendant cinq ans dans les bureaux d’une compagnie d’assurance de New-York. On les voyait toujours ensemble ; ils ébauchaient des projets pour plus tard. Ils s’étaient promis de s’épouser aussitôt qu’ils seraient guéris. Ils avaient cet espoir, cette illusion.