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fin de roman

pourrais parler, sympathiser, à qui je pourrais confier mes pensées intimes. C’était comme la première fleur du printemps qui m’apparaissait, comme une étoile que je voyais s’allumer au ciel. Impossible de vous dire tous les sentiments qui ont surgi en moi pendant les premières minutes que je vous ai vue. Jamais je n’avais ressenti quelque chose de semblable. »

Simone était faible, malade, mais elle écoutait avec ravissement ces paroles qui étaient pour elle comme un dictame merveilleux, qui faisaient disparaître son mal, qui étaient comme une caresse infiniment douce. De toute sa vie elle n’avait entendu rien de si délicieux, de si troublant. Son mari était déjà vieux lorsqu’il l’avait épousée ; il avait plus du double de son âge et il avait oublié les mots d’amour que l’on prononce au beau temps de la jeunesse, lorsque l’on a vingt ans. C’était un langage nouveau pour elle qu’elle entendait.

Le jeune homme s’était tu et avait pris la main de Simone mais ses paroles résonnaient encore dans tout son être, la faisaient vibrer d’un frisson voluptueux. Il pressait sa main dans la sienne en regardant ses yeux bleus, sa tête blonde. À cette heure unique dans sa vie, il oubliait presque qu’il était malade, que cette jeune femme l’était elle-même, que la rangée de cabines devant lui était remplie de tuberculeux venus de tous les points de la contrée, il vivait des minutes de fièvre, d’ivresse amoureuse. La nuit tiède, le silence les enveloppaient, les ténèbres couvraient la campagne. Le jeune homme pressait toujours la main de Simone, puis soudain, il l’attira à lui et ses lèvres ardentes se posèrent longuement sur les siennes. Embrasée, elle frémit de la tête aux pieds. Doucement, il l’entraîna vers la porte de sa cabine qu’il ouvrit et referma ensuite derrière eux.