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fin de roman

Dans cette chambre étroite, ils goûtaient un bonheur fabuleux, ils vivaient des minutes d’une félicité sans nom, ils étaient ravis dans une extase qui les emportait hors de la terre pendant que, dans les cases voisines, leurs compagnons lourdement appesantis sur leurs minces matelas étaient comme des condamnés à mort attendant leur dernière heure dans leur cellule.

Le beau rêve d’amour dura une semaine, puis une nuit, Simone se sentit si mal qu’elle crut qu’elle ne se rendrait pas jusqu’au matin, qu’on la trouverait morte dans sa cabine. Alors, elle fut prise d’une frayeur incontrôlable et elle ne put se rendormir. Les heures lui parurent interminables. Lorsque le jour parut, elle était d’une faiblesse extrême, mais tout de même, elle put se rendre à la pension tout près et demanda au patron de la conduire à la gare afin de prendre le train du matin pour retourner chez elle, car elle ne voulait pas mourir dans cette triste cabine, dans ce pays étranger. À sept heures, sans avoir eu ni le temps, ni le courage, ni la force de dire adieu à son ami, elle prenait place dans un wagon et trois heures plus tard, elle arrivait à Montréal.

— Conduis-moi chez Élise, dit-elle à son mari en entrant chez elle. Immédiatement, il fit venir une voiture.

— Je viens te demander l’hospitalité pour quelque temps, dit-elle à sa sœur lorsque le taxi la déposa devant l’ermitage de M. et Mme Frigon.

Épuisée, à bout de forces, elle se laissa choir sur une chaise longue placée sur la pelouse. Sa sœur s’empressa, lui apporta une tasse de bouillon pour la réconforter. À cette heure, elle était une vraie loque.

Le soir, lorsque M. Frigon arriva, il ne marqua aucune surprise, aucune joie, aucune contrariété de voir sa belle-