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fin de roman

sœur. Simone était très faible et le repas fut silencieux.

Étendue dans son lit après le souper, Simone entendait le bruit monotone de la tondeuse que poussait lentement son beau-frère en fumant sa pipe.

C’est ainsi qu’il prenait la vie.

De nouveau à travers les branches feuillues des vieux saules entourant la propriété de M. Frigon, les voisins apercevaient deux têtes blondes reposant sur des chaises longues installées sur la pelouse.

Chaque matin après le déjeuner et le départ de M. Frigon, les deux sœurs s’installaient au soleil et passaient des heures sans bouger, tels des mannequins.

Simone faiblissait toujours graduellement.

Vers la fin de septembre de grandes volées d’oiseaux migrateurs passaient au-dessus de la maison, au-dessus des malades, exécutaient de rapides évolutions dans le ciel bleu et disparaissaient dans le lointain. Chaque jour, des centaines et des centaines d’oiseaux traversaient ainsi la campagne et s’en allaient vers des climats plus tempérés. Simone regardait leur vol, les suivait en imagination, mais au fond, elle savait que lorsqu’elle partirait elle-même, ce serait pour aller dans la terre. Ces oiseaux, elle ne les reverrait pas la saison prochaine.

Parfois, elle songeait au jeune ami qu’elle avait laissé à Saranac Lake et se demandait ce qu’il devenait. Près d’elle, il avait repris confiance, mais après son départ, après l’avoir perdue, peut-être s’était-il laissé aller au découragement et avait-il déjà trouvé la fin de ses maux. Elle-même devenait de plus en plus faible.

Lorsque la nuit, l’horloge sonne lente et grave dans la maison silencieuse et que quelqu’un est très malade dans une chambre, on se demande si ce n’est pas la voix qui